Vivre dans le silence

Je crois que le pire quand on aime écrire, c’est de ne pas pouvoir tout dire. Ne pas pouvoir exposer tous ses sentiments, ne pas pouvoir rétablir ses vérités, ne pas pouvoir tout court.

Je ressens cette frustration, ce désespoir. On vit dans un climat tellement tendu que chaque mot qui atteint notre esprit pour sortir de notre bouche, notre plume, notre clavier, doit être pesé plus d’une fois pour éviter des représailles. On se juge sur tout, pour tout, jusqu’aux choses les plus anodines. On se juge sans se connaître et sans chercher à savoir.

Parfois on a cette envie de ne rien craindre, de se lâcher, de montrer notre vulnérabilité. Mais d’un coup on pense à cette conséquence, positive pour nous certes car émanerait un sentiment de liberté méritée, mais qui pourrait bien impacter notre entourage et nous rendre responsable d’un autre carnage. L’explosion d’une famille, d’une amitié, d’une vie idéalisée…

Un jour on se décide à faire le grand saut, en se disant que c’est le moment. Puis on devient parent et on réalise encore une fois qu’il faut rester prudent. Passer les besoins de son enfant en priorité et nos envies en dernier. Oui car lui n’a rien demandé. Qu’il soit le fruit d’un désir ou d’un hasard.

Je suis dans cette phase, complètement perdue. Et pourtant bien entourée je le suis. On protège des gens par notre silence et on continue de vivre cette souffrance que personne ne peut comprendre, car l’on ose pas tout dire.

Je n’ai pas vraiment de grands rêves si ce n’est de voir les gens heureux. Si ce n’est de pouvoir leurs être utiles, leurs apporter un soutien, un sourire, ne serait-ce qu’une fois. Des choses dont j’ai du mal à accepter de recevoir.

Je ne sais comment dans ce contexte difficile on peut continuer à ne penser qu’à sa personne. Quand on entend parler de vies humaines perdues résumées en chiffres, en statistiques. Peut-on réellement faire semblant de ne pas comprendre que peut n’importe la couleur, la religion, ce sont des pères, des mères, des enfants, des frères, des sœurs qui pourraient être les nôtres? Ces mêmes personnes pour lesquelles nous sommes prêts à vivre dans le silence afin de les protéger?

Il est vrai qu’on se sent souvent moins, voire pas du tout concerné par la situation délicate des autres. Et ce jusqu’au jour où c’est notre tour. Ce jour où c’est notre chair qui est touchée au plus profond.

J’étais tranquillement entrain de jouer sur mon smartphone quand des larmes ont commencé à couler. Alors je me suis retrouvée ici, à parler à qui voudra me lire, ou peut-être dans le vide. Mais à parler quand même. À l’instant où j’écris ces quelques lignes je regarde mon mari et mon fils dormir. Et je ne peux m’empêcher de penser au pire. Penser que pendant ce temps de sommeil dans l’innocence, des milliers d’innocents sont entrain de partir, de part et d’autre.

Non, je n’arrive pas à rêver d’une grande carrière, d’une grande réussite. Du moins pas pour l’instant. Certains me diront que je manque d’ambitions, ce n’est pas un problème. On ne vit pas pour les autres et n’avons pas à être qui ils voudraient que l’on soit. Nous n’avons pas tous les mêmes priorités et le monde entier n’est pas uniforme. Fort heureusement, il y a mille et une manières de vivre et d’être. Alors soyez qui vous voulez être, quand vous le voudrez. Ne vous laissez pas déstabiliser. Même ceux qui nous assurent H24 vivre la meilleure des vies ont leurs vulnérabilités, leurs doutes et inquiétudes.

Non, je n’arrive pas à imaginer l’avenir quand je vois le chaos du présent. Parfois on a cette envie de crier au monde entier nos blessures, puis on allume la télé, les réseaux, et l’on réalise que vivre dans le silence n’est pas si terrible que ça, tant que l’on vit, qu’on respire.

C’est normal de douter, c’est normal de pleurer. Alors ne vous obligez pas à faire semblant que tout va bien quand ça va mal. On a beau être fort et avoir du mental, il est parfois plus que nécessaire de lâcher prise et d’accepter un soutien à notre morale, un remède à notre douleur.

Je pense que jusqu’ici tout n’a pas de sens, mais je ne cherchais pas à construire un bel article. J’ai juste ressenti cette envie d’écrire à l’instant T. Peut-être le début d’une thérapie, en attendant d’accepter un jour, que l’on m’aide à briser le silence, à me redonner un sens …

Une forte pensée pour toutes les familles de toutes les victimes. Prenons soin des uns et des autres car non, ça n’arrive pas qu’aux autres.

Amicalement.

NasYou.